AUX ABORDS DU FLEUVE
Il y a, dans cette image, une solitude qui ne cherche pas la fuite du monde, mais son écoute. Assise face au fleuve Saint-Laurent, sur les berges de l’Isle-aux-Coudres, cette femme ne regarde pas : elle demeure. Son immobilité devient une forme de dialogue. Le vent, les vagues, les nuages : tout semble vouloir dire quelque chose, mais dans une langue sans mots.
Et c’est là, précisément, que naît la beauté : dans ce geste minuscule de rester.
Rester malgré le vent.
Rester malgré la distance.
Rester pour éprouver la présence du monde.
Le Saint-Laurent, large, lourd, presque animal, roule ses marées comme on roule une pensée obstinée.
Le fleuve n’est plus un décor : il est une mémoire fluide, un organisme de souvenirs qui déborde de ce qu’il contient. Il porte la trace de ceux qui ont traversé, espéré, disparu. Face à lui, on ne contemple pas le paysage : on contemple le temps.
La chaise verte, fragile, devient alors une métaphore du corps social, ce lieu d’attente entre le mouvement et la fixité. La spectatrice n’est plus spectatrice : elle est prise dans la scène qu’elle observe, absorbée par la densité du réel. Ce qui s’offre ici n’est pas un moment, mais une durée.


