© Pierre Fraser (2018)

AUX ABORDS DU FLEUVE

Et c’est là, précisément, que naît la beauté : dans ce geste minuscule de rester.
Rester malgré le vent.
Rester malgré la distance.
Rester pour éprouver la présence du monde.

Le Saint-Laurent, large, lourd, presque animal, roule ses marées comme on roule une pensée obstinée.

Le fleuve n’est plus un décor : il est une mémoire fluide, un organisme de souvenirs qui déborde de ce qu’il contient. Il porte la trace de ceux qui ont traversé, espéré, disparu. Face à lui, on ne contemple pas le paysage : on contemple le temps.

La chaise verte, fragile, devient alors une métaphore du corps social, ce lieu d’attente entre le mouvement et la fixité. La spectatrice n’est plus spectatrice : elle est prise dans la scène qu’elle observe, absorbée par la densité du réel. Ce qui s’offre ici n’est pas un moment, mais une durée.