TRADWIVES 2.0 OU LE RETOUR DE LA FEMME PARFAITE
Les tradwives de TikTok mettent en scène une domesticité parfaite et hyper-lissée, où la femme sourit et sert pendant que le mari reste hors champ. Cette esthétique rétro, soutenue par des millions de vues, renforce des rôles de genre figés derrière un vernis numérique. Résultat : un patriarcat mis à jour pour l’ère des influenceurs, où les époux deviennent symboles, concepts ou simples ombres portées.
Les époux des tradwives s’effacent pour mieux imposer leur rôle
Les tradwives de TikTok ont quelque chose de fascinant. Elles apparaissent comme des héroïnes domestiques sorties d’un roman photo : sourire impeccable, robe parfaitement repassée, cuisine qui brille comme une publicité des années 1950. Un décor si lisse qu’il en devient presque numérique, et pour cause, puisque ces femmes relèvent moins du quotidien que du mirage soigneusement calibré par l’algorithme.
Tout est visible chez elles : la tarte maison, l’évier sans trace, le maquillage qui ne fond jamais. Tout, sauf les maris. Ces derniers restent des silhouettes en arrière-plan, nécessaires au récit, mais toujours floutées comme si la netteté mettait en péril l’illusion.
L’influenceuse espagnole RoRo (Rocío López Bueno) en offre un exemple spectaculaire. Ses vidéos avalent des heures de préparation, mais l’histoire qu’elles racontent semble toujours la même : elle cuisine selon les « souhaits » de Pablo, son compagnon invisible et omniprésent à la fois. Une figure presque mythologique, dont le prénom seul suffit à justifier toute une production culinaire.

© Pierre Fraser (PhD, linguiste et sociologue), 2025
RÉFÉRENCES
- Petersen, Sara (2023). Momfluenced, Beacon Press.
- North, Anna (2025). Who is the “trad husband”?, Vox.
- Miller, Felix James (2023). Of tradwives and men. Fairer Disputations.
- Pescador Albiach, Erick. Masculinidades e igualdad.
- Friedan, Betty (1963). The Feminine Mystique, W.W. Norton.
