NUTRITION ET CONTRÔLE DES CORPS

On met ici en évidence une dynamique fédératrice au cœur de la lutte contre le gras : l’aversion envers le corps hors norme.
Cet article analyse la saine alimentation comme une construction sociale structurée par quatre constantes historiques : l’association entre minceur et santé, la logique de la nutrition négative et des aliments « vedettes », l’instabilité des recommandations nutritionnelles et la multidisciplinarité conflictuelle de la science de la nutrition. Il montre que la saine alimentation repose sur une logique discursive (affirmation, prétention et fonction santé) et qu’elle agit comme un système symbolique produisant des normes, des catégories et des hiérarchies corporelles. On met ici en évidence une dynamique fédératrice au cœur de la lutte contre l’obésité : l’aversion envers le corps hors norme, enracinée dans une longue histoire du gouvernement de soi et renforcée par l’idéologie de la responsabilité individuelle. Cette dynamique articule l’individu autonome, la discipline personnelle et l’équilibre alimentaire comme devoir moral. La lutte contre l’obésité apparaît ainsi moins comme une réponse sanitaire neutre que comme un dispositif de normalisation sociale des corps, profondément lié aux inégalités sociales, aux rapports de pouvoir et à la logique néolibérale, où le corps devient à la fois marqueur de classe, instrument de distinction et objet de régulation.
SYNTHÈSE

© Pierre Fraser (PhD, linguiste et sociologue), 2015-2025
