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NI VIANDE NI POISSON :
VOICI LE SECRET SANTÉ DES
BUDDHA BOWLS COLORÉS ET ÉQUILIBRÉS

Grille d’analyse utilisée

Source

Le Buddha Bowl cherche à convaincre que la santé passe par les légumes, naturalisant le végétal comme norme nutritionnelle désirable.

Tout part d’un article de Blanc Traiteur qui s’inscrit pleinement dans une époque où manger n’est plus seulement un acte biologique, mais une déclaration morale soigneusement mise en scène. Le Buddha Bowl y apparaît comme une évidence presque naturelle : un plat sans viande ni poisson, donc sain, donc équilibré, et surtout visuellement irréprochable. Dans cet imaginaire alimentaire contemporain, la couleur fait office de preuve, et l’arc-en-ciel nutritionnel tient lieu d’argument scientifique, suffisamment rassurant pour un lectorat urbain soucieux de bien faire sans trop s’attarder sur le reste.

Ni viande ni poisson – Voici le secret santé des Buddha Bowls colorés et équilibrés

Ensuite, tout semble parfaitement à sa place. Céréales complètes, légumineuses, légumes croquants et super-aliments composent une grammaire culinaire immédiatement reconnaissable. Le discours ne contraint jamais frontalement ; il suggère, il accompagne, il normalise. Peu à peu, l’idée s’installe que l’équilibre relève avant tout de l’assemblage, que la santé se construit par juxtaposition harmonieuse, et que le végétal, dès lors qu’il est bien présenté, n’a plus besoin d’être interrogé. La nutrition devient ainsi une affaire de lisibilité visuelle, presque de design.

Par ailleurs, c’est précisément ainsi que fonctionne le régime discursif bio-industriel. Il ne nie pas la complexité du vivant ; il la rend confortable. Les enjeux lourds, comme la santé publique, la durabilité environnementale, et les systèmes agricoles, sont traduits en une solution élégante, reproductible et parfaitement compatible avec les rythmes contemporains. Le Buddha Bowl devient alors un objet total : à la fois repas, modèle et signe d’appartenance. Le consommer revient moins à transformer un système qu’à signaler une posture, sans avoir à explorer les zones grises de la production ou les arbitrages écologiques réels.

Dès lors, l’ironie affleure dans cette évidence jamais discutée. L’absence de viande et de poisson est posée comme intrinsèquement vertueuse, comme si la morale alimentaire relevait d’un simple retrait, et non d’une analyse systémique. Le bol est sain parce qu’il est végétal, coloré et équilibré, non parce qu’il s’inscrit dans une chaîne cohérente de production et de distribution. De là, le discours apaise, rassure, et surtout, il évite soigneusement le conflit.

Enfin, on retrouve l’un des marqueurs centraux du bio-industriel contemporain : la focalisation sur l’individu. Ses choix, ses sensations, son bien-être immédiat structurent l’ensemble du propos. L’alimentation devient un outil de gestion personnelle du corps et de l’image de soi, bien plus qu’un levier collectif de transformation. Le Buddha Bowl ne constitue pas une rupture radicale ; il incarne une adaptation douce du capitalisme alimentaire à des attentes éthiques croissantes, sans en bouleverser les fondements.

Au fond, le texte ne ment pas. Il simplifie. Il propose une réponse claire à un problème complexe, et le fait avec élégance. La santé est là, dans le bol : bien rangée, équilibrée, colorée, prête à être consommée sans culpabilité, sans tension et sans trop de questions. Dans le régime bio-industriel, cela suffit souvent à produire l’adhésion.

Toutefois, pour mesurer pleinement la portée du discours tenu par Blanc Traiteur , il est utile de le replacer dans une comparaison entre plusieurs régimes discursifs alimentaires concurrents. Ce déplacement permet de comprendre non seulement ce qui est dit, mais surtout ce qui est laissé hors champ, ce qui est atténué, et ce qui est reformulé pour rester compatible avec les attentes dominantes.

Régime bio-industriel (discours analysé)

Dans le régime bio-industriel, le Buddha Bowl est présenté comme une solution idéale, immédiatement fonctionnelle et socialement valorisée. La santé y est définie comme équilibre individuel, lisible et reproductible. Les ingrédients sont choisis pour leur image nutritionnelle autant que pour leurs propriétés réelles, et l’absence de viande ou de poisson devient un marqueur moral discret mais efficace. Le discours insiste sur la simplicité, l’harmonie et la couleur, tout en neutralisant les tensions structurelles liées aux modes de production, à la logistique ou aux dépendances agricoles globalisées. L’alimentation est ici un outil de conformité éclairée : on mange bien, donc on fait bien, sans remettre en cause l’architecture du système.

Régime écosocial (contrepoint critique)

À l’inverse, un régime discursif écosocial lirait le même Buddha Bowl avec beaucoup plus de prudence. La question ne serait pas seulement ce que contient le bol, mais d’où viennent les ingrédients, dans quelles conditions ils sont produits, et à quel coût écologique et social. La diversité végétale ne suffirait pas à garantir la vertu du plat. Quinoa importé, légumes hors saison ou dépendance aux circuits longs deviendraient des points de tension explicites. Là où le bio-industriel valorise l’effet immédiat sur le corps individuel, l’écosocial interroge les effets différés sur les territoires, les travailleurs et les écosystèmes. L’esthétique passe au second plan, parfois soupçonnée de masquer des contradictions profondes.

3. Régime local-durable (déplacement pragmatique)

Dans un régime local-durable, le discours se déplacerait encore. Le Buddha Bowl ne serait ni rejeté, ni sacralisé. Il serait conditionné. Acceptable s’il respecte la saisonnalité, les circuits courts et une cohérence territoriale. Problématique s’il repose sur une accumulation d’ingrédients exotiques labellisés mais déconnectés du sol local. La santé ne serait plus seulement nutritionnelle, mais territoriale. Ce régime accepte moins la standardisation esthétique ; il valorise davantage l’adaptation, l’irrégularité, et parfois même une certaine sobriété visuelle, ce qui le rend moins compatible avec la logique médiatique dominante.

4. Régime techno-nutritionnel (rationalisation extrême)

Enfin, un régime techno-nutritionnel lirait le Buddha Bowl comme une simple matrice de macronutriments. Protéines végétales, fibres, index glycémique, densité micronutritionnelle. La couleur n’y serait qu’un indicateur secondaire, presque décoratif. Ce discours s’intéresse peu au récit, encore moins à l’identité sociale du mangeur. Là où le bio-industriel raconte une histoire rassurante, le techno-nutritionnel produit des tableaux, des ratios et des recommandations personnalisées. Ironiquement, c’est souvent ce régime qui révèle les limites nutritionnelles réelles de certains bowls pourtant présentés comme parfaits.

5. Lecture comparative synthétique

Ainsi, la proposition de Blanc Traiteur apparaît moins comme une proposition neutre que comme un compromis discursif très maîtrisé. Ce discours emprunte au vocabulaire écologique sans en assumer la radicalité, flirte avec la science nutritionnelle sans en adopter la rigueur, et privilégie l’individu sans rompre avec les logiques industrielles. Le Buddha Bowl devient alors un objet consensuel, capable de circuler entre régimes sans jamais vraiment les affronter.

C’est précisément cette plasticité qui fait sa force médiatique. Et, peut-être aussi, sa limite.

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© Laboratoire des discours contemporains, 2026 / Pierre Fraser (PhD, linguiste et sociologue), 2015-2025

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