1. Constats ⏶
La disparition des églises
Le sociologue des religions, Martin Meunier, discute de la disparition rapide de plus de 25% du patrimoine religieux bâti au Québec depuis 2004, soulignant la vente, la démolition ou la transformation d’églises. Face au déclin du catholicisme institutionnel, la question de l’avenir de nombreuses églises, même celles sans valeur patrimoniale artistique majeure, reste un défi sociétal important pour le Québec.
Un manque de volonté politique
Neuf ans après la fermeture de l’église Saint-Jean-Baptiste, aucun projet de réaménagement n’a abouti, malgré plusieurs propositions soumises à la ville et au ministère de la culture. L’absence de justification pour ces refus est déplorable. Cependant, un espoir subsiste grâce à un engagement financier provincial et municipal pour la restauration de huit églises patrimoniales à Québec.
Les problèmes financiers
L’historien Luc Noppen souligne que, bien que la conversion d’environ 700 églises à de nouveaux usages soit un succès, des difficultés persistent, notamment dans les milieux urbains comme Québec et Montréal, où la gestion d’églises importantes pose des problèmes financiers importants.
Pourquoi soutenir les paroisses ?
L’historien René Beaudoin a mené une enquête auprès des fabriques de la Mauricie qui révèle une situation préoccupante, mettant en lumière l’instabilité financière de nombreuses églises et la perspective probable d’un changement de propriétaire pour un grand nombre d’entre elles dans les cinq prochaines années.
Une urgence qu’on ne lit pas
Fernand Harvey déplore ici la démolition hâtive d’églises, considérant ces actes comme irréparables et soulignant l’importance de la mémoire collective liée à ces bâtiments. Pierre Gingras, quant à lui, met en garde contre un rejet aveugle du passé, comparant la situation à la préservation du patrimoine français post-monarchie.
Un devoir de mémoire
Le sociologue Fernand Harvey souligne l’importance d’une mémoire collective concernant le rôle historique de l’Église catholique au Québec, notamment avant la Révolution tranquille. Il met en lumière le rôle crucial des paroisses, non seulement comme structures religieuses, mais aussi comme centres d’activités économiques, sociales et culturelles.
2. Causes du déclin ⏶
Une époque noire ?
Même s’il faut reconnaître une certaine « période noire » marquée par l’autoritarisme de certains membres du clergé, il faut aussi souligner le rôle omniprésent de l’Église dans la vie sociale, fournissant des services essentiels comme l’éducation et les soins de santé. Autrement dit, sans pour autant minimiser les erreurs commises, il faut rappeler la mission fondamentale d’accueil et de soutien de l’Église.
Le déclin de l’Église catholique
Le déclin de l’Église catholique au Québec est dû, en partie, à la tentative infructueuse de maintenir le modèle paroissial dans les années 1950 et 1960 face à l’urbanisation et l’industrialisation. Malgré la construction de nombreuses nouvelles églises dans les banlieues, ce modèle s’est essoufflé rapidement en raison du déclin de la pratique religieuse et de la sécularisation.
De la Révolution tranquille à 2001
Le sociologue Martin Meunier explore la transition d’un catholicisme institutionnel vers un catholicisme culturel à partir des annnées 1960, marqué par la persistance de rites comme le baptême et le mariage, malgré la chute de la pratique religieuse. Sa recherche nuance la vision d’une sécularisation rapide, révélant une longue phase intermédiaire où la foi cède à des traditions identitaires.
Le rejet de la foi catholique
Le curé Pierre Gingras et le sociologue Simon Langlois explorent la question du rejet du catholicisme au Québec, attribuant ce phénomène à une perte de fierté identitaire et une réécriture de l’histoire qui minimise ou élimine son influence. Ils interrogent également la possibilité de construire une société forte et indépendante en ayant sapé ses propres racines historiques et sa fierté collective.
L’Église triomphante
Passant d’une période de construction majestueuse et triomphante, reflétant une foi intense, à une réalité contemporaine où ces églises, initialement conçues pour accueillir des milliers de fidèles, les églises se retrouvent souvent sous-utilisés face à une baisse marquée de la pratique religieuse, désormais peu adaptées aux besoins d’une communauté croyante fortement réduite.
Montée du pluralisme religieux
L’évolution du paysage religieux québécois, depuis 2001, est marqué par une transition vers un régime pluraliste. Cette transformation est attribuée à l’immigration massive et à un processus d’exculturation du catholicisme, c’est-à-dire la séparation progressive de la religion catholique de la culture québécoise. La baisse drastique du taux de baptêmes souligne la fin d’une époque dominée par le catholicisme culturel.
2011 marque un tournant
Martin Meunier explique que la forte baisse de 20% de l’affiliation catholique au Canada entre 2011 et 2021, passant d’environ 70% à 52-53%, est attribuéable à trois facteurs : le décès des générations plus âgées, majoritairement catholiques ; l’immigration, bien que contribuant à la population catholique, introduit aussi de nombreuses personnes non-catholiques ; l’absence d’enseignement religieux obligatoire à l’école.
3. Enjeux et défis ⏶
Préserver le patrimoine bâti
Pierre Gingras souligne l’importance des investissements de la part du diocèse de Québec dans l’entretien des églises. Luc Noppen, pour sa part, insiste sur l’importance de la concertation entre les différents acteurs (diocèse, municipalités, communautés) pour assurer la pérennité de ces bâtiments à travers des solutions concrètes, telles que le partage de propriété et de l’usage des édifices.
Une architecture unique
L’historien de l’architecture, Marc Grignon, fait ici part de son inquiétude face à la disparition progressive des églises au Québec, tout en soulignant l’importance architecturale de ces bâtiments, les qualifiant de plus grands édifices construits au Québec, à l’exception de quelques monuments exceptionnels. La perte de ces églises représente donc une perte majeure du patrimoine architectural québécois.
Les grandes orgues
On relate ici l’histoire de l’orgue de l’église Saint-Jean-Baptiste de Québec, initialement une Napoléon Déry modeste, ensuite agrandie et rendue beaucoup plus puissante par les frères Casavant, qui conservèrent néanmoins des éléments de l’instrument original. L’ensemble évoque ainsi la nostalgie d’un lieu et d’un instrument exceptionnels, ainsi que l’histoire riche et complexe de l’orgue lui-même.
À qui la responsabilité ?
Luc Noppen souligne l’inertie des diocèses, considérés comme partie du problème plutôt que de la solution, et insiste sur la nécessité de partenariats avec des acteurs privés ou municipaux pour assurer l’avenir de ces bâtiments. Il met en avant une tendance émergente de transfert de propriété ou d’usages partagés, notamment en milieu rural, comme seule voie pour une conservation pérenne de ce patrimoine.
La fin d’une époque
Martin Meunier prédit la disparition prochaine du catholicisme culturel au Québec, due au vieillissement de la population et à la faible relève des religieux. Ce phénomène, qui s’amorcera entre 2020 et 2040, entraînera une transition depuis un catholicisme culturel vers un catholicisme minoritaire, obligeant l’Église à repenser son rôle et son organisation.
4. Stratégies et solutions ⏶
Culture et culte réunis
La clé du succès de la requalification de l’église Saint-Gabriel dans Bellechasse fut une mobilisation communautaire multigénérationnelle, impliquant la population, les élus et la Fabrique, dans une démarche de transformation respectueuse du patrimoine religieux et de ses symboles. Le projet, mené sur cinq ans, illustre une approche territoriale visant à favoriser la réutilisation des églises face à la fermeture imminente de plusieurs lieux de culte dans la région.
